Luc Dechamps (1955-) - qui signe Ludec - est un peintre belge qui vit et travaille à Bruxelles. Son œuvre s'inscrit dans le courant de la figuration narrative. Sensible à l'histoire de la peinture, l'artiste développe un style réaliste qui puise dans les techniques acquises au fil du temps long. Il applique à son art les valeurs artisanales du métier, la maîtrise du geste, un attachement aux fondamentaux, la peinture comme expression sociale. La fascination pour l'art qui a débuté à la Renaissance est liée à sa conscience de vivre dans une civilisation en phase transitoire, dans une fin de cycle qui nécessite un retour au réel, une autre renaissance.
Du XVe au XVIIe siècle, l'art se développe en Europe dans une société dopée aux progrès scientifiques et techniques, tout en bénéficiant d'acquis antérieurs. Parmi ces acquis, il y a une esthétique sensorielle, propre au métiers artisanaux, aux arts de la main en atelier. Très vite les avancées positives des progrès se conjuguent à des prédations parasitaires, coloniales, économiques, à des abstractions délétères pour justifier l'injustifiable, jusqu'au sens du tragique actuel où l'humanité du XXe siècle se confronte à sa démesure et à l'éventualité de son extinction, faute de garder un lien de résonance avec ses semblables et son milieu naturel. L'occasion de la peinture est de reprendre le fil d'une histoire positive là où elle dérape. De renouer avec une pratique saine, de retrouver un point d'appui pour poser les balises d'un imaginaire réhumanisant, de démontrer qu'un autre accord avec le monde est possible sur une base esthétique, d'ouvrir un XXIe siècle artisanal.
L'émotion artistique, selon le peintre, devrait être vécue comme un atterrissage : toucher un socle pragmatique et provoquer un désir d'avenir. Les ressources choisies par le peintre sont : la figuration, la lisibilité des images, la surabondance de sens, les codes partagés de la peinture, la quête d'universalité. Son travail se complexifie dans une proportion inverse à la simplicité de ses outils, pinceaux, pâtes colorées. C'est le corps du peintre qui est à l'œuvre dans la tension expressive. Pour une part il maîtrise les matériaux, pour l'autre ce sont ceux-ci qui le maîtrisent. La lecture critique de la tradition, sa réinterprétation et son prolongement, la surabondance de sens introduite dans des images accessibles, en quête d'universel, tous ces ingrédients sont les matériaux d'une expérience esthétique contemporaine. Le partage du sens s'impose comme réflexe de survie.
Le parcours de Luc Dechamps est essentiellement autodidacte, il a fréquenté divers ateliers d'académies belges. Régulièrement présent dans des expositions collectives, il privilégie les circuits artistiques alternatifs, où son art se partage plus librement en préservant sa singularité.
Travaillant principalement à l'huile sur toile ou sur panneau de bois, l'artiste explore les relations entre l'homme et son environnement. Ses compositions, riches en détails et en références, sont construites comme des mises en scène à partir d'une accumulation d'images. Le processus créatif, en plusieurs phases, est une lente construction de la composition par morceaux, jusqu'à la fusion dans l'exécution picturale. Les matériaux, par les défis qu'ils posent, deviennent les témoins d'une quête esthétique.
Au-delà de la simple représentation, l'œuvre de Luc Dechamps invite le spectateur à une expérience sensorielle et émotionnelle. En créant un lien intime avec ses toiles, le peintre partage une vision du monde. L'image peinte devient un espace de dialogue où le vécu de l'artiste et celui du regardeur se rencontrent.
L'ancrage dans le réel, "l'atterrissage" est indispensable à double titre pour le peintre. D'une part il y a la nécessité de rester collé au réel, immergé dans le sensible, en résonance, pour accéder au spectacle du monde et participer à celui-ci. D'autre part il y a la réalité de la peinture figurative, de ses techniques, de ses déploiements formels. Peindre c'est reprendre en mains le cours des choses, c'est leur donner du sens par le sensible. C'est agir sur le monde par l'esthétique.
Cette vision s'inscrit dans un courant pragmatiste, notamment défendu par des philosophes comme John Dewey ("L'art comme expérience") ou Etienne Gilson ("Peinture et réalité").
Luc Dechamps (1955-) - who signs Ludec - is a Belgian painter who lives and works in Brussels. His work is part of the narrative figuration movement. Sensitive to the history of painting, the artist develops a realistic style that draws on techniques acquired over time. He applies to his art the artisanal values of the profession, mastery of gesture, an attachment to the fundamentals, painting as a social expression. The fascination for art that began during the Renaissance is linked to his awareness of living in a civilization in a transitional phase, at the end of a cycle that requires a return to reality, another renaissance.
From the 15th to the 17th century, art developed in Europe in a society boosted by scientific and technical progress, while benefiting from previous achievements still in force. Among these achievements, there is a sensory aesthetic, specific to crafts, to the arts of the hand in the workshop. Very quickly the positive advances of this progress are combined with parasitic, colonial, economic predations, with deleterious abstractions to justify the unjustifiable, up to the sense of the current tragedy where humanity of the 20th century is confronted with its excess and the possibility of its extinction, for want of maintaining a link of resonance with its fellow men and its natural environment. The opportunity of painting is to pick up the thread of a positive story where it slips. To reconnect with a healthy practice, to find a point of support to lay the markers of a rehumanizing imagination, to demonstrate that another agreement with the world is possible on an aesthetic basis, to open a 21st century of craftsmanship.
An artistic emotion, according to the painter, should be experienced as a landing : touching a pragmatic base and provoking a desire for the future. The resources chosen by the painter are : figuration, the readability of images, the overabundance of meaning, the shared codes of painting, the quest for universality. His work becomes more complex in inverse proportion to the simplicity of his tools, brushes, colored pastes. It is the painter's body that is at work in the expressive tension. On the one hand, he masters the materials, on the other, it is the latter that master him. The critical reading of tradition, its reinterpretation and its extension, the overabundance of meaning introduced into accessible images, in search of the universal, all these ingredients are the materials of a contemporary aesthetic experience. Sharing meaning is a survival reflex.
Luc Dechamps' career is essentially self-taught, he attended various workshops in Belgian academies. Regularly present in group exhibitions, he favors alternative artistic circuits, where his art is shared more freely while preserving its singularity.
Working mainly in oil on canvas or on wood panel, the artist explores the relationships between man and his environment. His compositions, rich in details and references, are constructed like stagings from an accumulation of images. The creative process, in several phases, is a slow construction of the composition in pieces, until the fusion in the pictorial execution. The materials, by the challenges they pose, become the witnesses of an aesthetic quest.
Beyond simple representation, Luc Dechamps' work invites the viewer to a sensory and emotional experience. By creating an intimate bond with his canvases, the painter shares a vision of the world. The painted image becomes a space for dialogue where the artist's experience and that of the viewer meet.
Anchoring in reality, "landing" is essential for the painter in two ways. On the one hand, there is the need to remain glued to reality, immersed in the sensitive, in resonance, to access the spectacle of the world and participate in it. On the other hand, there is the reality of figurative painting, its techniques, its formal deployments. Painting is taking back control of the course of things, it is giving them meaning through the sensitive. It is acting on the world through aesthetics.
This vision is part of a pragmatic movement, notably defended by philosophers such as John Dewey ("Art as Experience") or Etienne Gilson ("Peinture et réalité").